Un billet express, réaction à chaud.
Suite à la lecture de ce billet (www.tillthecat.com/2013/06/une-grande-claque/) de Till The Cat, qui évoque l’horrible constat qui dérange, et qui donne la nausée: en France, 2 enfants par jour meurent sous les coups de leurs parents. J’ai commenté ce billet, mais vu la longueur de mon texte, je le reproduis ici afin de partager mon point de vue sur cette question tellement sensible et qui place la société face à ses responsabilités, si ignobles soient-elles.
2 enfants par jour.
Et oui. Quelle tristesse.
Force est de constater pourtant que l’Etat ne veut pas voir, car il suffirait de regarder au delà de nos frontières, dans les pays qui ont décidé de légiférer contre les violences éducatives. Contre TOUTES les violences éducatives, même celles que l’on considère comme légères dans nos cultures.
20 ans 34 ans (je m’a trompée, j’a corrigé!) que la Suède a interdit tout châtiment corporel, quel qu’il soit (y compris la tape sur la main). Depuis 34 ans, le taux d’enfants morts sous les coups de leurs parents est passé à 0%, ou plutôt, j’ai arrondi car il faudrait plusieurs zéros après la virgule pour obtenir le chiffre réel des enfants décédés par maltraitance: « Les homicides d’enfants dus spécifiquement à de mauvais traitements (excluant les homicides-suicides, l’infanticide à la naissance et pendant la dépression postnatale) n’existent pratiquement plus en Suède. De 1976 à 2000 (dernière année où des statistiques sont disponibles [à la date de l’article]), 4 enfants au total sont morts en Suède par suite de mauvais traitements. » (source (www.oveo.org/index.php?option=com_content&view=article&id=40:linterdiction-des-chatiments-corporels-naccroit-pas-la-maltraitance&catid=40:pays-abolitionistes&Itemid=54))
Voilà, les chiffres parlent d’eux même. Non pas que ce soit la tape sur la main ou la fessée qui tue, mais le seuil que chacun place comme étant un châtiment « raisonnable » d’une part (pour un parent, la fessée est raisonnable, pour un autre une fessée + un aller-retour de claques dans le visage est raisonnable, pour un autre encore une fessée plus pousser sur le carrelage est raisonnable…et on peut escalader longtemps comme ça), et d’autre part c’est la tolérance des violences « douces » qui ouvre une porte vers une violence plus forte, parfois jusqu’à la mort. Le jour où le parent épuisé perd le contrôle, commence par une petite tape puis parce que l’enfant ne réagit pas comme l’adulte l’attendait suite à son châtiment, recommence, et frappe encore, puis encore plus fort. C’est le cas de la majeure partie des décès d’enfants sous violence parentale, l’Observatoire de la Violence Educative Ordinaire l’atteste.
Ne pas croire que tous ces 2 enfants par jour vivent sous le joug de parents maltraitants au quotidien. Beaucoup meurent par un châtiment qui devait être « léger » et qui a finalement dégénéré, jusqu’à la folie, jusqu’à la perte de raison.
Tant qu’on laissera tel quel le principe qui veut qu’un châtiment peut être donné « tant qu’il reste raisonnable » (c’est la position légale aujourd’hui), alors 2 enfants par jour mourront sous les coups de leurs parents. Dans son livre « La Fessée », Olivier Maurel relate les derniers verdicts de la justice Française en terme de violence éducative. La conclusion, affligeante et désolante, est que au yeux de la justice, tant que la peau de l’enfant n’est pas entamée, alors le châtiment est considéré comme « raisonnable » et ne peut donner lieu à des poursuite s’il est occasionnel. Je voudrais juste rappeler que l’on peut frapper un enfant à coup de bate de baseball pendant 3 heures dans l’estomac: il n’aura aucune lésion cutanée, et peut-être même aucun bleus car le ventre est une partie du corps qui ne marque quasiment pas. Par contre, un enfant peut mourir de 3 heures de coups de bate dans l’estomac, sans aucun problème. Je voudrais aussi rappeler le gouffre qui sépare l’enfant de la femme. Une femme est considérée comme battue dès la première gifle.
Il est là, le fond du problème: l’enfant ne dispose d’aucune considération, d’aucune protection juridique. Ce sont les êtres les plus fragiles, et pourtant ils sont même moins bien protégés de la violence que les animaux. Même le dressage animal, aujourd’hui, a intégré que les coups étaient la pire des solutions pour faire comprendre et obéir. Les enfants ont-ils donc moins de droit au respect de leur corps, de leur intégrité et de leur personne que les chiens ou les chevaux?
La France, la société française, a un problème énorme avec la violence éducative ordinaire. Il faut arrêter de déculpabiliser les parents qui considèrent que l’éducation par la fessée ne pose aucun problème, ou de dire que oui, ça peut arriver. Il faut arrêter de donner tribune libre aux pédiatres et autres pédopsys gerbants qui maintiennent que « la bonne petite fessée » ne fait pas de mal. Il faut arrêter de donner la parole à ceux qui considèrent que l’enfant doit être frappé pour son bien et que c’est inévitable pour parvenir à une éducation correcte. C’est en minimisant l’impact de ces gestes qu’on ouvre la porte à la dérive. La Suède l’a compris depuis longtemps et les parents qui ont quand même recours aux châtiments corporels ne sont évidemment pas jetés en prison. Par contre, ils sont suivis dans le cadre d’ateliers sur la communication non-violente, de suivis psychologiques pour apprendre à briser le cercle dont ils ont pu être eux-même victimes enfant, etc etc. L’Etat a pris le problème à bras le corps et a offert la possibilité à la société de changer de visage. Les bienfaits de ces méthodes se répercutent sur l’ensemble des couches sociales: baisse de la délinquance, de la grande criminalité, amélioration de l’état de santé global de la population…tout est lié.
Les parents ont besoin d’outils pour savoir comment faire autrement que de taper pour se faire écouter, or force est de constater que pour le moment ce n’est aucunement la priorité chez nous. Il ne faut pas culpabiliser les parents. Bon, soit. Dommage que du coup, on ne parvienne pas à protéger correctement les enfants qui eux, continuent de mourir sous les coups.
[Edit pour oubli: OUI, une loi est nécessaire pour faire comprendre que NON, on ne frappe pas un enfant, même avec une fessée. Pourquoi? Parce que l’existence d’une loi oblige l’adulte à prendre en compte que ce geste, s’il le fait, est reconnu comme néfaste. Tant que le châtiment corporel reste autorisé, et que le législateur ne prendra pas les décisions qui s’imposent, on ne fera pas reconnaître que le châtiment corporel ne DOIT PAS être utilisé et qu’il porte préjudice à l’enfant. La loi ici ne vise pas à condamner les parents, mais bien à faire prendre conscience que ces pratiques sont mauvaises]
J’ai honte parfois, honte, pour ce pays qui, encore une fois, brille plus par sa politique de l’autruche que par ses prises de positions exemplaires.