Cette ChouChou a 8 mois.
Il s’en est passé des choses depuis sa naissance. 8 mois, c’est une goutte d’eau dans l’océan de notre vie d’adulte. Mais dans sa vie de bébé à elle, ces 8 mois sont parmi les plus intenses et les plus riches qu’elle vivra dans toute son existence.
En 8 mois, elle est passée de l’état de nourrisson, incapable de se mouvoir, à un bébé plein de tonus qui passe en un éclair du dos au ventre, qui se met à genoux puis assis, qui rampe, se met debout, commence à se lâcher pour tenir quelques secondes en équilibre, qui se déplace en marchant de 3/4 le long des meubles et passe d’un meuble à l’autre pour parcourir la pièce. Petit à petit, elle a pris le contrôle de ses membres, ajusté ses gestes, amélioré la prise des objets, affiné la précision de ses prises en main, perfectionné la visée main-bouche.
Elle a appris tomber sans se faire trop mal en utilisant ses épaules pour protéger sa tête, ses abdominaux pour se mettre en boule, en amortissant la chute avec ses bras. Elle a appris à pousser sur ses jambes pour se lever, à tirer sur ses bras pour se hisser. A mettre un pied devant l’autre. A ce rythme là, elle marchera bientôt. En 8 minuscules mois, elle a engrangé les découvertes et les apprentissages à une vitesse folle, chaque nouveau jour apportant son lot de progrès.
8 mois donc que tout est source d’éveil, d’émerveillement, de découverte, de motricité. Et ce n’est pas fini…bientôt l’équilibre, la marche, l’acquisition du langage. Tant de choses à découvrir encore. Pour accompagner ces découvertes, nous avons choisi à la maison d’appliquer un principe sur lequel je me suis beaucoup interrogée depuis la naissance de ma fille: la motricité libre. Ce qui va suivre n’est donc pas une vérité absolue mais le fruit de mes réflexions, et ce qui en découle dans nos choix de vie à la maison.
La motricité libre, qu’est-ce que c’est?
On serait directement tenté de se demander s’il existe une motricité « non libre ». D’une certaine manière oui, et pour le comprendre voici comment on pourrait définir la motricité dite « libre »: ne pas faire faire au bébé des mouvements que son corps ne fait pas de lui-même, et ne pas lui faire adopter des postures qu’il ne prend pas de lui-même, ceci signifiant dans un cas comme dans l’autre que le corps n’y est pas prêt. Comme souvent en ce qui concerne les bébés, on considère que l’adulte doit lui apprendre tout ce qu’il fait, et que le bébé doit respecter un « planning » de développement. Or, comme n’importe quel jeune mammifère, le bébé arrivera un jour à marcher, arrivera un jour à parler, arrivera un jour à se sevrer….sans qu’on lui apprenne comment faire. Il le fera, il est programmé pour cela! Récemment, une discussion avec une jeune maman d’un bébé de 12 mois m’a beaucoup interpellée: elle me racontait que depuis l’âge de 11 mois, elle « exerçait » (sic) sa fille à marcher 15 minutes par jour, « pour qu’elle ne marche pas trop tard par rapport à ce que me dit mon pédiatre ».
On peut ainsi soit décider d’accélérer les apprentissages en induisant de nouvelles compétences et en incitant l’enfant à faire X et Y choses, soit décider de rester spectateur de ce développement pour que l’enfant soit seul maître de ces nouvelles étapes, de ce qu’elles présentent comme progrès et du moment où elles surviennent. Pour ma part, j’oppose à la motricité « libre » la motricité « induite », mais il n’y a rien d’officiel dans ces termes, ce sont des appellations personnelles.
Exemples de motricité induite (liste non exhaustive, à compléter de vos propres réflexions sur la question):
– Faire tenir le bébé assis en le maintenant avec des coussins: cela impose à l’enfant de raidir son dos pour maintenir la position qu’on lui demande de prendre. Les coussins lui permettent de ne pas tomber mais le dos, lui, est soutenu par les muscles à qui l’on demande de trop gros efforts pour leur stade de développement.
– Faire marcher un bébé qui ne tient pas debout seul, en le tenant bras en l’air par exemple. De la même manière que la station assise, avant de pouvoir marcher, le bébé doit développer ses muscles, qui soutiendront le poids de son corps. Inciter prématurément à la marche, même « pour rire », peut avoir des conséquences sur les genoux du bébé, qui sont encore trop fragiles et pas suffisamment exercés à supporter le poids du corps.
– Donner l’objet convoité au bébé avant qu’il n’ait pu essayer de se l’approprier lui-même: il me semble, pour avoir observé ma fille, que la motricité de l’enfant vient de la frustration, de l’éloignement de l’objet, de l’envie de prendre. Lorsque ma fille s’est mise debout pour la première fois, à presque 7 mois, ce n’était pas n’importe où et n’importe quand. C’était pour atteindre une grosse boîte de rangement rose fluo posée sur le canapé. Il FALLAIT la toucher. Pendant 20 minutes, elle a tenté de se hisser, et à force d’essayer elle a fini par réussir à pousser sur ses jambes. Elle s’est dressée sous mes yeux ahuris, a touché la boîte, a poussé un grand cri de satisfaction, et a recommencé l’opération une grosse dizaine de fois, chaque fois plus rapidement et plus assurément que la précédente. On sentait dans son mouvement le plaisir de la victoire!
Si j’avais posé la boîte au sol pour lui faciliter la tâche, j’aurais sans doute déclenché chez elle une grande frustration, peut-être même des pleurs, de la même façon que nous, adultes, n’aimons pas forcément que l’on fasse à notre place quand on tente de se dépasser, d’atteindre un but, ou de réussir quelque chose de nouveau. Ainsi, on peut penser le développement moteur du nourrisson, et ce dès la naissance, en gardant en tête cette idée de l’envie qui fait naître le mouvement: plutôt qu’un transat dans lequel on installe le bébé à qui on donne les jouets, on pourrait utiliser une grande couverture, posée au sol, et quelques joujoux déposés autour de l’enfant, en fonction de son âge: ni trop loin, afin qu’il puisse les attraper à un moment ou à un autre, ni trop près, afin qu’il puisse satisfaire son envie de bouger pour aller chercher l’objet.
Evidemment, je ne fais pas le procès du transat. Ma fille en a eu un, mais il a été utilisé avec retenue. Depuis sa naissance, et dès que l’on était disponibles pour la surveiller dans cette situation, elle a été posée au sol sur une couverture afin de pouvoir bouger librement, ce que le transat ne permet que très peu.
– Utiliser un trotteur (youpala) : les travers de ces « appareils » sont multiples et je ne les développerai pas ici, ils sont très facilement consultables à divers endroits sur internet. Des milliers de bébés en ont eu, des milliers en ont encore, j’ai moi-même passé des semaines entières à cavaler dans mon youpala. Je n’en suis pas morte, je sais. Mais j’aurais pu si on considère les chiffres alarmants des traumas crâniens qui surviennent pour les enfants que l’on installe dans ces engins. On trouve encore des youpalas en vente libre. Pourtant les spécialistes s’accordent aujourd’hui tous – ou presque – sur leur nocivité tant sur la motricité que sur le développement du corps.
La motricité libre au quotidien
Pour parvenir à cela, on a mis en place à la maison quelques pratiques simples et notamment:
– Au sol le plus possible, voir ce qui a été dit plus haut au sujet du transat
– Très peu de parc: hormis pour les moments clé de la journée type mon petit déjeuner (sacré, ça!), la préparation des repas ou du bain, la sortie d’une machine à laver, et quand ces moments ne peuvent pas se dérouler en situation de portage, le parc est inutilisé et cette ChouChou a accès à l’ensemble de l’étage. Je trouve l’espace donné par le parc trop restreint, et ma fille le fait très rapidement savoir d’ailleurs: au bout de 10 minutes, elle râle et veut parcourir la pièce, sauf le matin au lever où elle peut y rester les 30 minutes de mon petit déjeuner sans problèmes.
– Une maison « Baby-Proof »: non, nous n’avons pas changé tout le mobilier. Mais on a adapté l’existant ou repositionné certaines choses dans la pièce de vie, de façon à que notre fille puisse vadrouiller et toucher sans que l’on soit obligés de la retenir ou de lui dire non toutes les 5 minutes.
– L’aider en dernier recours: lorsqu’elle cherche à atteindre quelque chose, on attend t oujours d’être sûrs qu’elle renonce, ou qu’elle n’y arrivera pas, pour l’aider à attraper l’objet qu’elle convoite ou pour changer de position.
– La chute fait partie du jeu: il me paraît tout aussi important d’apprendre à tomber que d’apprendre à se mettre debout. Quand on ne sait pas tomber, on peut se faire extrêmement mal…et des chutes, les bébés, ils en vivent quelques unes. Donc, on reste à proximité mais, hormis danger de gros bobo, on ne la retient pas dès qu’elle tombe. Evidemment, ce principe est adaptable en fonction de la situation: lorsqu’elle se met debout à proximité de quelque chose qui se révèle concrètement dangereux (un coin de meuble par exemple), on ne laisse pas tomber (haha) n’importe comment. Mais pour le reste, elle se »débrouille ». Et de mieux en mieux d’ailleurs. Après quelques chutes au début, elle tombe de moins en moins et, les rares fois où cela se produit, elle ne se cogne que très rarement: comme dit en début de billet, elle a appris à rentrer sa tête, à se mettre en boule, à amortir avec ses bras, pour se protéger des chocs. Il arrive qu’elle perde l’équilibre, mais il est vraiment rare qu’elle se fasse mal. J’en reviens d’ailleurs au trotteur: lors d’un choc en trotteur et quand le bébé est projeté en avant, il est arrêté par la tablette et n’apprend donc pas à placer ses bras devant lui pour amortir sa chute. Une fois la période youpala passée, les premières chutes sont souvent très douloureuses, car le bébé a perdu son réflexe de protection: jusqu’à maintenant, il avait toujours été retenu par quelque chose qui n’avait pas nécessité de développer un apprentissage de la chute et le réflexe d’amorti.
– Pas de motricité « pour rire ». Autrement dit pas de tour de la pièce en marchant les bras en l’air alors qu’elle ne tient pas debout sans appui (ce qui signifie que ses jambes ne sont pas prêtes pour la marche, et jouer à la faire marcher reviendrait à forcer sur ses muscles et à brusquer leur développement, en l’obligeant à raidir de façon précoce). Le même principe est appliqué pour tous les autres mouvements: si ils ne viennent pas d’elle, alors on ne les fait pas et on attend qu’elle en manifeste l’envie et/ou la capacité.
– Adapter les vêtements: oui, les petites filles en robes à froufrou, c’est choupi et je regarde ces petits ensembles en jean avec envie dans la vitrine d’Orchestra à côté de chez moi. Sauf que si je lui mets ça sur les fesses, elle devra choisir entre bouger comme elle veut et être choupi. Donc exit les vêtements trop raides ou les robes trop froufroutées qui prennent de la place (et du poids!), et bonjour les leggings, gilets et autres sarouels bien confortables et qui permettent de bouger dans tous les sens sans effort.
Aux pieds, des chaussons souples en cuir pour l’intérieur, et des chaussures tout aussi souples pour l’extérieur, afin de ne pas gêner le mouvement du pied et ne pas induire un équilibre qu’elle n’a pas encore (un bébé peut tenir debout avec des bottines bébé classiques. Mais ce n’est pas le bébé qui tient debout au début, c’est sa chaussure qui est rigide et qui, ainsi, le fait tenir). J’insiste donc sur le mot « souple »: c’est vraiment souple, pas légèrement flexible. Pour les chaussures d’extérieur, la semelle peut se plier complètement en rejoignant chaque extrêmité, comme un U.
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Hors de la maison, la motricité libre est parfois compliquée à faire respecter, notamment auprès des générations précédentes qui ne voient pas le problème du youpala, ou de faire marcher un bébé pour jouer, ou de lui faire faire des mouvements pour rire parce que la tête qu’il fait à ce moment là est mignonne, ou la position amusante. « Oooooh, ça va, c’est pour jouer avec elle! ». Oui, mais ce n’est pas un pantin! Donc, j’explique gentiment que je préfère qu’on ne lui fasse pas faire des mouvements qu’elle n’initie pas elle-même, ou que « non merci, le youpala ça ne me tente pas, je préfère qu’elle apprenne à se mettre debout quand elle sera prête », mais les écarts de conception des choses entre nos générations sont suffisamment importants pour générer une certaine incompréhension: « Pourtant, c’est bien pratique le youpala! ». Oui mais non, vraiment, j’insiste.
Il y a certainement d’autres aspects de la motricité libre que j’oublie, mais ce billet est déjà bien assez long. Et vous, la motricité libre, vous connaissiez? Vous pratiquez? N’hésitez pas à apporter vos témoignages en commentaire, ça m’intéresse! Et demain, un nouveau billet sur l’éveil, en complément de celui-ci et en partenariat avec DécoBB (www.decobb.com/) qui m’a offert il y a quelques temps un petit cube de jeux vraiment très sympa dont je n’ai pas encore parlé. En attendant…
Bouge ton boule!
(Rhoooooooooo)
1254ème activité de la journée: explorer les lieux, encore et encore