Mon corps se fout de votre volonté

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Un pas en avant, dix pas en arrière.

Alors même que l’on aurait pu croire qu’après 40 ans, il n’aurait jamais été nécessaire de revenir sur la question du droit à l’IVG, voilà que ce week-end les anti se réunissent et manifestent pour, à nouveau, remettre en cause ce droit. Une vie est une vie, paraît-il.

Des milliers de personnes du mouvement anti-avortement ont Manifestate a Paris dans le cadre de la marche pour la vie 2012

On pourrait débattre encore, pendant des heures, du stade à partir duquel le foetus a une conscience, est considéré comme un être humain et plus comme un groupe cellulaire qui se multiplie sans avoir encore donné naissance à un de nos semblables. Mais on rentrerait là sur le terrain de l’éthique, et je ne pense pas que l’on puisse en sortir.

Alors discutons plutôt de la question des libertés. Des libertés individuelles, et du fait que rien ni personne ne peut décider pour autrui de ce que son corps devra subir à plus ou moins long terme et ce peu importe le degré d’impact que cela aura sur sa vie toute entière. Aucune femme n’accepterait qu’on la force à accoucher par césarienne parce que d’autres en ont décidé ainsi pour X raisons sans doute toutes plus valables les unes que les autres aux yeux de ceux qui veulent les faire admettre comme obligatoires, aucune femme n’accepterait qu’on l’oblige à allaiter parce que d’autres en ont décidé ainsi, aucune femme n’accepterait que l’on interdise la péridurale sous prétexte qu’elle nuit à l’enfant lors de l’accouchement et que l’intérêt de l’enfant passe avant toute chose. Chacune s’éleverait, et s’élève déjà d’ailleurs lorsque des débats sur ces questions s’engagent : « c’est mon corps, ma vie, c’est moi qui décide ce que sera ma maternité ».

Mais il semblerait que cette liberté soit relative et ne concerne pas le début de toute chose : être libre ou pas de donner la vie. Nous les femmes sommes nées avec un utérus et un corps prévu pour se reproduire alors tant pis pour nous, on voudrait nous soumettre à l’idée que c’est notre devoir d’assumer cet état de fait. Tant pis pour le 1% d’inefficacité de la contraception, tant pis pour celles qui vomiront deux heures après la prise rejetant ainsi le comprimé avant qu’il n’ait pu agir, tant pis pour celles dont l’hyperfertilité multiplie les risques de grossesse sous contraceptif. Tant pis…Assumez mesdames, une vie est une vie, qui êtes-vous pour ne pas la laisser se développer et préférer votre vie à celle à naître?

Et vous les antis, qui êtes-vous?

Qui êtes-vous pour décider de ce que devra être ma vie ces 20 ou 30 prochaines années si je suis enceinte demain? Etes-vous celui ou celle qui portera cet enfant à ma place, qui accouchera à ma place? Etes-vous celui ou celle qui devra interrompre peut-être de brillantes études ou une carrière passionnante et que je ne souhaitais pas entrecouper pour le moment de tétées, de changements de couches et de nuits sans sommeil? Etes-vous celui ou celle qui financera sa scolarité, ses études, qui assumera la responsabilité de l’éducation de cet enfant? Je ne crois pas, non. Que vous ayiez fait le choix d’assumer tout cela pour vos grossesses, désirées ou non, grand bien vous fasse. Mais je ne vous autorise pas à décréter que ce qui est bon pour vous l’est pour moi.

Soyez donc anti pour vous-même, parce que vos convictions, et je les respecte, vous font penser que jamais vous ne pourrez avorter, et c’est tant mieux. Pour y être passée parce que ma vie sur le moment ne pouvait absolument pas tolérer l’arrivée d’un enfant, je ne suis pas particulièrement enthousiaste à l’idée de recommencer un jour. Mais sachez par contre que rien, ni personne, rien ni personne je le répète, ne m’empêchera d’avorter à nouveau si malgré mes précautions une nouvelle grossesse non désirée se présentait. Rien, ni personne, imprimez bien cela parce que je suis prête à risquer ma vie et l’intégrité de mon corps pour ne pas avoir à subir le poids de vos convictions liberticides.

NON, je n’assumerai pas un enfant les 30 prochaines années tant que JE ne l’aurai pas décidé. Et tant pis si pour cela je dois m’allonger jambes écartées chez une faiseuse d’ange et me remplir l’utérus d’eau savonneuse, je mesure la violence de mes propos mais c’est la seule chose dont vous me laissez encore le droit : résister, et peu importe le prix à payer. Tant pis si je dois y rester d’avoir perforé mon corps d’un coup d’aiguille mal placé. Tant pis pour vous quand vous devrez assumer, avec vos impôts, les conséquences de mon geste de rébellion contre la liberté fondamentale que vous m’aurez retirée. Parce que si je peux y rester, il se peut aussi que je survive et l’enfant avec moi car faute d’accompagnement médical mon avortement sauvage aura raté. Vous payerez alors, de vos cotisations sociales, le prix du handicap de cet enfant blessé à vie. Alors que tout aurait pu être si simple, si sécure. Un médecin, un hôpital, des antiseptiques, des conditions sanitaires optimales. Je vous entends brandir l’argument du coût de l’IVG pour la sécurité sociale et je ris : pensez-vous vraiment qu’un suivi de grossesse, un accouchement, des prestations familiales et une scolarité financée par l’Etat reviendront moins cher qu’une petite intervention médicale?

En interdisant l’IVG vous ne ferez que remettre les femmes dans les cuisines, et vous serez responsables de la mort de toutes celles qui succomberont au manque d’accompagnement médical. Sur LCP hier était diffusé un documentaire sur Simone Veil, éminente femme politique à l’origine de la loi de 75 que vous réfutez. Son mari s’y est exprimé pour dire la chose suivante : « En 1974, la question n’était pas le droit à l’IVG opposé à pas d’IVG du tout, bien que certains auraient aimé qu’il en soit ainsi. Mais bien avortements régulés contre avortements sauvages. Lorsque l’on pose la question en ces termes, la réponse est très claire ».

Vous confondez interdiction et disparition. Pensez-vous sincèrement qu’interdire l’avortement fera que les femmes cesseront d’avorter? C’est bien sous-estimer les femmes qui depuis qu’elles deviennent mères, mettent fin aux grossesses qu’elles n’ont pas choisies. Les Romaines buvaient de la sauge, les Grecques composaient des mixtures savantes usant du pouvoir des plantes, les femmes du XIXè utilisaient des aiguilles à tricoter, les femmes du XXè ont finalement réussi à faire reconnaître que ce n’était pas aux autres, et encore moins aux hommes qui eux ont cette chance de ne pas avoir un corps qui peut agir sans leur consentement, de décider de ce qu’il adviendrait de leur vie et de quand il était opportun d’entrer dans la maternité.

Vous prétendez que vos convictions vous donnent le droit de disposer du corps et de la vie des autres. J’attends le jour où quelqu’un engagera une loi qui prendra possession de vos corps et de vos vies sous un prétexte d’éthique pour que peut-être, alors, vous preniez conscience que la liberté individuelle, le droit absolu de disposer de son corps, n’est pas négociable. On est libres, ou on ne l’est pas. Mais on ne l’est en tout cas pas à moitié et encore moins par décision d’autrui.

Mon corps m’appartient, ma vie m’appartient. Et se foutent de votre volonté, peu importe le prix à payer.

« il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse, pour que soient remis en question les droits des femmes », disait Simone de Beauvoir.

Il semblerait que le temps soit venu. Vous êtes descendus dans la rue, vous descendrez encore. Attendez-vous à rencontrer double, triple ou quadruple foule pour contrer vos actions. Il semblerait que pour les femmes, il ne soit jamais possible de baisser la garde même lorsque l’on croit vivre dans un monde moderne et civilisé. Attendez-vous à la résistance, la vraie. Celle de toutes les femmes qui auront à coeur de vous rappeler que vous n’avez rien à décider pour elles.

Ecoutez-moi bien : mon corps se fout de votre volonté.

Image Franceinfo.fr (www.franceinfo.fr/sciences-sante/le-gouvernement-sonne-l-alarme-contre-les-faux-sites-anti-ivg-1140819-2013-09-13)

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