Mauvais perdant

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Un enfant de 4 ans joue au mémory.

La partie se joue à 4 joueurs, le jeu comporte beaucoup de cartes. Au bout de quelques tours, deux nouvelles cartes sont dévoilées et l’enfant de 4 ans trépigne sur sa chaise : il sait où se trouvent deux cartes pareilles! Il reste deux joueurs avant qu’il puisse retourner la bonne paire, et malheureusement le joueur suivant la retourne avant lui. Après avoir gigoté en tous sens à en mettre les mains sur sa bouche afin d’étouffer son impatience, le petit s’effondre la tête dans ses mains. « Oh non c’était moi! ». Il se met à pleurer.

Réaction des autres joueurs (2 adultes et un enfant de 8 ans) : il ne faut pas être mauvais perdant. Quand on joue il faut savoir perdre, la défaite fait partie de la vie, perdre ce n’est pas grave! Ce n’est qu’un jeu. L’enfant pleure, l’accent est mis là-dessus, la reprise du jeu est un peu compliquée pour l’enfant que l’on essaye de guider vers d’autres cartes.

Mon analyse

De cette situation on peut, à mon sens, tirer deux schémas de résolution : le premier, qui s’est déroulé, est décrit ci-dessus. Voici le second, qui ne s’est pas produit et que j’aurais tenté de mettre en place si j’avais participé au jeu et si j’avais pu, ainsi, accueillir et accompagner le comportement de l’enfant durant la partie:

1) Quelle est la situation de base ?

Un jeu simple pour l’adulte mais compliqué pour un enfant de 4 ans : repérer l’emplacement de diverses cartes illustrées, stocker les informations simultanément tour après tour, restituer la bonne information au bon moment pour satisfaire la règle du jeu.

2) Que représente cette situation pour l’enfant?

Pour un enfant de 4 ans, la concentration et les capacités à mettre en oeuvre pour jouer correctement au mémory sont importantes (d’autant qu’il s’agissait d’une version adaptée aux enfants plus grands). Ce jeu peut représenter un défi intellectuel, c’est d’ailleurs ce qui fait son intérêt même chez les plus grands : mémoriser un maximum de données de la façon la plus efficace possible en vue de gagner. Pour un enfant de 4 ans, je ne crois pas que le fait de gagner soit le plus important. En revanche, relever le défi intellectuel que l’enfant se pose à lui-même, là est sa vraie victoire. Lorsque l’enfant trépigne d’impatience sur sa chaise à l’idée que ce sera bientôt son tour de jouer, ce n’est pas le fait de gagner qu’il vise, d’autant que nous sommes en cours de partie et même plus proches du début que de la fin, mais plutôt je crois le fait de relever le défi et de réussir chacune des étapes indispensables au jeu : repérer / stocker / restituer. Le faire une fois, puis deux, puis trois…chaque tour est un défi en soi, pour ainsi dire.

Lorsque l’enfant se fait doubler par le joueur suivant qui découvre avant lui la fameuse paire, il ne s’effondre pas selon moi parce qu’il a perdu, mais parce qu’il n’a pas pu aller au bout de son processus intellectuel et atteindre son défi personnel posé par le jeu. Il a repéré correctement, il a stocké correctement, mais il n’a pas pu restituer correctement. Il manque une étape, les conditions ne sont pas remplies. Ceci amène alors une grande frustration qui semble insoluble : « j’avais tout bien fait, et je ne pourrai plus le montrer puisque quelqu’un a découvert les cartes avant moi! ».

Ce que j’aurais fait :

1) En voyant que l’enfant se dandinait sur sa chaise en attendant son tour, les yeux écarquillés vers le plateau de jeu, faire remarquer que j’avais compris qu’il savait où était la paire: « ah! Attention, je crois bien que **** a trouvé la paire, bravo! ». Ceci afin de valoriser la réussite intellectuelle vécue et à vivre.

2) En constatant que l’impossibilité de résoudre le défi causait de la frustration jusqu’aux pleurs et plutôt que d’assimiler cette manifestation émotive à des termes négatifs type « mauvais perdant » où à des concepts tels que « la défaite fait partie de la vie », mettre en valeur que le jeu n’est pas fini : « oh mince, **** avait trouvé aussi, c’est très frustrant de ne pas pouvoir dévoiler cette paire alors que tu l’avais trouvée. Heureusement il reste encore beaucoup de cartes, je suis sûre que tu auras d’autres occasions de trouver la bonne paire avant les autres ».

Pourquoi ?

1) Valoriser la capacité de l’enfant à remplir les conditions de la règle, partager avec lui la conscience que j’ai de sa réussite dans le processus intellectuel du jeu.

2) Accueillir sa frustration comme réelle et légitime (même pour nous adultes, c’est rageant de online payday loans (www.shortloans.org/) se faire doubler quand on est sur le point d’atteindre un objectif), mais l’encourager à persévérer et à observer le jeu restant, et ainsi les diverses possibilités qui existent encore de trouver une paire, pour apaiser son désarroi.

Conclusion

Il me semble que le seul focus sur la notion de défaite comme faisant partie du jeu et de la vie, si nous adultes savons que c’est exact, ne peut pas aider l’enfant à gérer l’émotion négative que lui cause l’impossibilité qu’il a, sur l’instant, d’aller au bout de son processus intellectuel. En disant cela, on ne lui donne pas d’outils pour résoudre son problème, il est trop jeune pour abstraire et conceptualiser la vie comme étant jalonnée d’échecs. Lui, il ne voulait pas gagner, il voulait réussir toutes les étapes et dire « regarde, j’ai trouvé la paire, je réussis le jeu! ». Gagner et réussir, ce n’est pas la même chose à mon sens. Je considère nécessaire de contrebalancer le message initial par une valorisation réelle de cette réussite : il n’a pas « gagné » la paire, mais il a « réussi » le processus qui constitue le jeu. En valorisant cette réussite, on accueille la source du problème, on reconnait la réelle tristesse que lui procure le fait d’avoir été coupé dans son élan, et ainsi on l’aide à avancer pour surmonter le problème et persévérer pour ne pas se laisser abattre et réussir à nouveau.

« C’est l’jeu ma pôv’ Lucette! »

Image prise ici (developpement-durable.wmag.fr/jouez-avec-le-developpement-durable-190.html)

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