La recherche de la limite : l’enfant qui tape

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Pendant la semaine de ski il y a eu un incident pendant environ 24h.

Nous sommes partis avec mes parents, mon neveu de 4 ans et ma nièce de 8 ans. Lou a l’habitude de cotoyer son cousin et sa cousine mais de façon éphémère, le temps d’un goûter le samedi après-midi par exemple…dans tous les cas jamais plus de quelques heures. Cette fois, elle passait une semaine complète avec eux. Les trois premiers jours se sont plutôt bien passés malgré son attitude envers son cousin : elle venait souvent vers lui pour le taper.

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Au début, patient et compréhensif car elle est deux ans plus jeune que lui, il ne disait rien. C’était nous, adultes, qui rappelions à Lou qu’il ne fallait pas taper son cousin et que si elle voulait communiquer avec lui elle pouvait aussi le prendre dans ses bras ou lui proposer de jouer. On a cependant vite compris, avec son père, que le problème ne se posait pas sur ce plan là : on avait beau répéter encore et encore de ne pas le taper, proposer des alternatives pour entrer en communication avec lui, elle continuait, et plus fort au fil des jours. Si bien qu’au bout de trois jours, son cousin en a eu quand même marre et a décidé de ne plus lui parler ni jouer avec elle. Petite journée de tension donc…et on était un peu démunis face à la situation.

Dans le schéma éducatif que je qualifierais de « traditionnel », la conclusion qui se tire très rapidement est que l’enfant qui tape a quelque part envie d’être embêtant, et que son geste traduit une forme de « méchanceté » même si le terme est fort, comme une relation de domination bourreau/victime. Ma conception de l’enfant et de sa relation aux autres fait que je rejette tout à fait cette théorie. Cependant, je n’avais pas pour autant les clés immédiatement pour comprendre, analyser et trouver une issue bienveillante qui permette à la fois de ne pas étiqueter Lou de façon négative mais également de protéger son cousin de ses gestes agressifs. Le mercredi soir, une fois couchés, on a fait une petite séance de brainstorming avec son père, histoire de tracer des chemins de réflexions permettant de décoder le comportement.

Notre analyse :

Très tôt, l’enfant comprend que la limite n’est pas empirique : elle varie en fonction de l’individu avec lequel on interagit ou du contexte dans lequel on évolue. Avec papa on peut faire ça, avec maman non, avec Mamie on peut faire ça, avec Papi non. A la maison j’ai le droit de lécher le jus de framboise dans mon assiette jusqu’à la dernière goutte, mais à l’extérieur je ne peux pas tant qu’on ne m’en pas donné l’autorisation au sein du groupe dans lequel je passe du temps. Et c’est ainsi pour tout ce qui fait la vie quotidienne. Les limites sont mouvantes et fonction à la fois des personnes et du contexte. Cette semaine de vacances plaçait donc Lou dans une situation de vie commune avec son cousin, siuation tout à fait nouvelle pour elle. Et elle cherchait donc à comprendre quelles étaient les limites précises avec lui : taper, c’est jouer ou c’est interdit? Les trois premiers jours, son cousin ne se défendait pas, sinon d’un tout petit geste de main visant à repousser l’attaque. Il avait bien compris qu’elle était petite, et que de fait il fallait être patient. Mais pour Lou, le message renvoyé était aussi erroné : « il ne me dit rien, donc ce n’est pas sa limite, et donc je peux le faire car pour moi c’est drôle, donc je continue mon jeu ».

Au quatrième jour, la tension a imposé qu’on trouve une solution rapidement. Déjà parce qu’il n’était pas question que Lou continue à le taper toute la semaine, et ensuite parce je n’avais absolument pas envie de devoir la recadrer systématiquement dès lors qu’elle s’approchait de son cousin. J’ai donc expliqué à mon neveu, avec des formulations adaptées à son âge, que j’étais d’accord pour le défendre quand elle venait le taper mais qu’elle cherchait d’abord à ce que soit lui qui indique à partir de quel moment elle dépassait les bornes. Effectivement, si on prend le problème du point de vue de l’enfant de 2 ans qui recherche la limite d’une personne particulière, une tierce personne peut bien formuler une limite à sa place. Mais de fait ce n’est pas du tout ce que l’enfant attend et donc cette limite n’est pas entendue.

On peut alors penser à de la désobéissance ou à de la provocation, mais je propose de voir cela sous l’angle de la réponse inadaptée. Comme si l’enfant nous disait en recommençant malgré l’interdiction « mais pourquoi tu me dis ça, ce n’est pas ta limite qui m’intéresse, toi ça te dérange, mais peut-être que lui non! ». Dans le cas présent, je suis partie de la supposition que ce n’était pas ma limite que ma fille voulait entendre, mais bien celle de son cousin. J’ai donc d’abord remercié mon neveu d’avoir fait preuve d’indulgence avec Lou depuis le début, mais l’ai invité désormais à oublier le fait qu’elle soit petite et à se défendre, mais de façon calme et posée, certainement pas en rendant le coup par exemple. Je lui ai proposé que désormais, à chaque fois que Lou venait à le taper, il se mette à sa hauteur, les mains bien fermes sur ses épaules, pour lui dire en la regardant dans les yeux « maintenant Lou, STOP. Je n’ai pas envie que tu me tapes, ça ne me fait pas rire et ça me fait mal, je ne suis pas du tout d’accord ».

Le résultat :

Lou est donc revenue trois fois au total pour le taper sur cette 4ème journée. Les 3 fois, mon neveu a appliqué le système. Et les coups se sont arrêtés au bout de la troisième. La limite avait été posée, POUR elle, PAR son cousin, fermement mais sans violence, et pas par une tierce personne dont la limite personnelle pouvait être différente de la personne qui était sollicitée. Le reste de la semaine a du coup été plus serein, et ils ont passé les deux derniers jours à jouer sans tapes de la part de Lou. Le dernier jour, on a bien rigolé : mon neveu jouait aux figurines, et avec ma mère on regardait discrètement Lou qui avançait doucement un doigt vers les jouets de son cousin pour le poser pas trop près, mais pas trop loin non plus. Dans un silence religieux. Tant que son cousin ne disait rien, elle approchait le doigt toujours plus près. Quand il réagissait, elle retirait bien vite la main. Au bout de deux ou trois fois, je lui ai juste rappelé que si la situation l’énervait cela fonctionnerait peut être mieux de la toucher doucement et de la regarder pour lui dire stop. Elle a fini par aller jouer avec sa cousine.

La chipie :P

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