Deux enfants, deux maternages

Materner au quotidien

Quand on devient parent, on est bien souvent assailli de mille conseils, avis, suggestions, de tout le monde et à tout moment. Il faut faire ci, tu devrais faire comme ça, ne fais pas ça ma pauvre tu vas en faire un capriceux/un enfant gâté/un inadapté (rayez la mention inutile)…

Mais on se rend compte bien vite qu’il n’y a pas de meilleures règles que celles qui conviennent à notre enfant pour notre famille, à notre famille pour notre enfant. Ce qui est vrai chez quelqu’un ne le sera pas forcément chez quelqu’un d’autre, et tout ce qui compte est d’être en accord avec soi même, pour être le parent que l’on veut être, et pas celui que Tata Gertrude ou Tonton Michel aimeraient que l’on soit.

Le premier bébé est une découverte, un plongeon dans un univers absolument nouveau où se mêlent émerveillement et fatigue, dans un tourbillon émotionnel intense…On pourra raconter ce qu’est la parentalité pendant des heures, jamais on ne saura faire entrevoir ce que c’est vraiment à quelqu’un qui ne le vit pas. C’est comme ça, ça se vit, et on peut sans trop de risque affirmer que ce sera très différent de ce qu’on avait imaginé.

Quand le deuxième enfant arrive, on pourrait se dire qu’on est rôdés, maintenant. On sait à quoi s’attendre, ce que ça fait, ce que ça implique. Qu’on continuera à faire comme-ci mais qu’on ne fera plus comme ça, qu’on essayera de faire telle chose et qu’il sera impératif de mettre en place telle autre. Et puis l’enfant arrive, et c’est finalement, à peu de choses près, la même découverte que l’expérience précédente.

Un enfant n’est pas l’autre.

Alors que ma fille, dès ses premières heures de vie, ne supportait pas la position allongée, mon fils lui a passé ses trois premiers jours à dormir tranquillement dans son berceau. Alors que ma fille tétait toutes les heures les premières semaines, mon fils s’est très rapidement réglé à 5 tétées par jour et une tétée par nuit. Alors que ma fille s’endormait systématiquement au sein dès le premier jour, mon fils ne le fait que rarement car l’afflux de lait le dérange et l’énerve fortement. Alors que ma fille refusait d’être portée par son père les premiers mois (j’en avais parlé ici), mon fils est en communication constante avec lui depuis le premier jour…

On pourrait comparer ainsi mes deux enfants sur des lignes et des lignes… Je me contenterai de dire que ce deuxième enfant implique un deuxième maternage, ou plutôt un deuxième parentage. Très différent du premier tout en étant très proche à la fois. L’allaitement à la demande, le portage, le sommeil partagé, la motricité libre, ne pas laisser pleurer pour dormir…tous ces fondamentaux sont toujours là, ils sont les piliers immuables, les principes auxquels on ne pourrait déroger à la maison sans se sentir en désaccord avec ce que représente pour nous la parentalité. Mais ces principes s’adaptent à cette nouvelle personne qu’est ce deuxième enfant, dont les besoins sont très différents du premier, et à ce que nous sommes devenus, nous-même, en tant que parents d’un premier enfant puis d’un second.

Quelques exemples :

La tétine

Pour mon premier enfant, nous n’avons jamais ressenti le besoin ni l’envie de lui donner une tétine : Lou était seule, j’étais à la maison les huit premiers mois, elle était allaitée, je ne voyais pas de problèmes à la mettre au sein quand elle avait besoin de téter. Elle n’a jamais eu de tétine, n’a jamais pris son pouce, n’a même jamais choisi de doudou. Marin lui a une tétine depuis le tout début. Nous ne voulions pas le laisser pleurer si nous étions occupés avec sa grande sœur, aussi nous avons fait le choix de lui donner un tétine dans les situations où il devait patienter. Aujourd’hui on ne l’utilise plus dans ces situations, ses besoins sont plus espacés et nous avons appris à organiser les journées en fonction des besoins récurrents de chacun des enfants. Il est très rare aujourd’hui qu’il soit obligé de rester seul parce que je suis occupée avec sa sœur.

L’afflux de lait le dérangeant fortement au sein s’il est fatigué, elle sert également à finir son endormissement : il fait sa tétée, et quand il commence à sombrer je le pose dans son lit avec sa tétine et il s’endort de cette façon. Elle sert également à son père lorsqu’il doit le coucher en mon absence, ou chez la nounou. On respecte par contre une règle d’or : la tétine ne sort jamais du lit, elle est réservée aux moments de sommeil. La journée, lorsqu’il a besoin de téter et si je ne suis pas là, il semble prendre l’habitude de sucer son pouce, qu’il a trouvé très tôt.

L’allaitement est également très différent.

Il a un rapport au sein presque à l’opposé de celui de sa sœur. Il tète essentiellement pour manger et pour démarrer son endormissement. Le reste du temps, il n’entretient pas le rapport câlin que j’avais pu connaître avec mon aînée. Maintenant que j’ai repris le travail, je retrouve mon fils le soir chez sa nounou. Je m’attendais à ce qu’il réclame de suite le sein, comme le faisait sa sœur : et bien pas du tout ! S’il n’a pas faim, il ne le réclamera absolument pas alors qu’il a passé au moins une demie journée sans moi. Il va me sourire, rire, agiter les bras dans tous les sens pour me signifier qu’il est heureux de me retrouver, mais il est assez rare qu’il veuille téter avant le retour à la maison.

Le portage

Si le portage est toujours très présent à la maison, mon fils a connu très vite la poussette pour des raisons pratiques, et pour ne pas délaisser ma fille sur cette question : avec l’arrivée de son frère, Lou a souvent demandé à être portée. Dans ces cas là, Marin bénéficiait de la poussette. Dans les semaines suivant la naissance, il était encore très compliqué de sortir en ville avec ma fille sans qu’elle ne soit tentée de courir partout, de lâcher la main…nous avons vécu quelques situations qui auraient pu assez mal se terminer alors que Marin était en écharpe et Lou à pieds. Le combiné poussette pour Marin / porte-bambin pour Lou a été une bonne solution pour faire des trajets sécuritaires jusqu’au parc ou pour les courses de proximité. Avec la reprise du travail, les longs moments de portage pour Marin (souvent il faisait sa sieste du matin en écharpe, pendant que je jouais avec sa sœur et préparais le déjeuner) ont disparu sur la semaine. Mais on rattrape le retard le week-end, et il passe la quasi totalité des moments du matin et soir dans nos bras les jours où l’on part au travail.

Le sommeil

Si nous avons opté pour la même configuration de sommeil partagé pour les deux enfants (un lit bébé dont on a enlevé un côté pour pouvoir le coller à notre lit), Marin y dort la nuit depuis le début, et pour les siestes depuis l’âge de deux mois alors que sa sœur n’a fait aucune vraie sieste dans son lit avant l’age de 6 mois.

Depuis une semaine, le lit de Marin a été fermé et séparé du nôtre pour l’isoler des bruits dus à nos mouvements, qui le gênent visiblement : depuis l’âge de trois semaines, il demande à se coucher à 19h30 et si nous ne montons pas, il ne se réveille pas avant au moins 2h du matin. C’est dès lors que l’on rejoint la chambre qu’il se réveille pour téter, une ou deux fois. Nous attendons les congés de la Toussaint pour opérer une inversion dans l’occupation des chambres : les deux enfants s’installeront dans la grande chambre et nous occuperons la petite. Marin aura 5 mois. Lou a dormi seule à 11 mois.

Et puis il y a nous, les parents.

Les premières semaines, j’ai eu l’impression de tout réapprendre, comme si j’entrais à nouveau dans la parentalité vierge de toute expérience, mais en même temps forte de la précédente. Un sentiment très ambigu, qui m’a déroutée parfois. Il y a aussi la fatigue accumulée, qui nous fait faire d’autres choix, qui nous donne d’autres envies, ou qui nous fait hésiter sur certaines attitudes. Si Marin ne s’endort par au sein, c’est aussi peut-être parce qu’il a senti que ce n’était pas mon souhait : les couchers ont été tellement longs problématiques avec Lou pendant si longtemps que je ne me voyais pas rentrer à nouveau dans ce schéma du coucher exclusivement réservé à maman, en sachant que mon aînée a encore souvent du mal à lâcher prise et se laisser aller au sommeil et que je risquais de devoir à nouveau passer mes soirées à l’étage. J’avais besoin de pouvoir déléguer, passer le relais les soirs de trop grande fatigue. Les choses sont du coup plutôt simples, Marin s’endort aussi facilement avec son père qu’avec moi, nous pouvons même le poser éveillé dans son lit si il a eu la dose nécessaire de câlins, je me sens plus libre de me reposer si j’en ai besoin et je reste disponible pour mon aînée si elle en a besoin (mais elle dort de mieux en mieux, je touche du bois!).

Nous savons déjà que les mois à venir amèneront d’autres différences, avec la diversification, la motricité de plus en plus présente, et toutes ces découvertes que mon bébé va être amené à faire. Mais nous ne savons pas encore lesquelles. On se laisse porter par ce qu’est ce petit bébé. Qui il est, ce dont il a besoin au quotidien, on adapte, on ajuste, parfois à l’opposé des choix qu’on aurait faits pour sa sœur mais qu’importe.

Un enfant n’est pas l’autre, et d’un enfant à l’autre, les parents évoluent eux aussi. Deux enfants, deux maternages, et toujours un seul mot d’ordre : l’écoute.

S’écouter, écouter ses enfants, et agir en conscience pour que soient respectés les besoins de chacun.

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